Votre ouvrage, qui est un guide du bon militant, est-il majoritairement destiné à une certaine partie de la population ?
Ce petit manuel s’adresse à toute personne qui est indignée de vivre dans le sixième pays le plus riche du monde, mais qu’on y trouve dix millions de personnes trop pauvres pour se loger et manger décemment, que nous précipitions notre planète vers un désastre climatique, et que le parlement soit transformé en chambre d’enregistrement des décisions d’un président-monarque intouchable durant cinq ans [« Qu’ils viennent me chercher ! » disait-il]. Ça fait du monde. Des dizaines de millions d’électeurs et d’électrices évidemment, mais aussi aux centaines de milliers d’adolescents trop jeunes pour voter, mais déjà conscients que l’urgence environnementale ne nous permet pas d’attendre cinq ans de plus.
Tout le monde peut devenir un excellent militant avec ces méthodes. Trois ingrédients sont nécessaires pour cela : nourrir son enthousiasme en se reliant fréquemment à la raison fondamentale qui fait que l’on s’engage, avoir la curiosité d’essayer de nouvelles méthodes, et avoir un peu de rigueur dans la manière de les appliquer. Militer, c’est comme cuisiner, pour le faire bien il y a des ingrédients indispensables et quelques étapes toutes simples à suivre.
Tout le monde peut devenir un excellent militant avec ces méthodes. Trois ingrédients sont nécessaires pour cela : nourrir son enthousiasme en se reliant fréquemment à la raison fondamentale qui fait que l’on s’engage, avoir la curiosité d’essayer de nouvelles méthodes, et avoir un peu de rigueur dans la manière de les appliquer. Militer, c’est comme cuisiner, pour le faire bien il y a des ingrédients indispensables et quelques étapes toutes simples à suivre.
Le militantisme est-il en train de devenir un nouveau devoir du citoyen ? [Mobilisation pour élections, écologie, féminisme, non-discrimination…]
Ma conviction est que, pour être dans la pleine expression de sa citoyenneté et de son rôle dans la société, voter n’est en effet qu’un service minimum. Le vote n’est que la concrétisation le jour de l’élection de l’engagement citoyen mené dans les jours précédents et suivants. Face aux urgences démocratiques, écologiques et sociales, il n’est plus possible d’être neutre 364 jours par an. Emma Watson rappelait en 2014 lors d’un discours à l’ONU que si on se contentait de suivre la tendance actuelle sur l’égalité salariale femme-homme, cela prendrait plus d’un siècle encore pour l’atteindre. Ce qui est vrai pour l’égalité femme-homme est vrai pour le climat, le racisme et toutes les formes de discrimination : la tendance, même en léger progrès, est largement insuffisante en termes de rapidité. Si c’est un sacerdoce déprimant, alors cela n’attirera personne. L’enjeu est donc de faire que l’engagement citoyen devienne suffisamment joyeux et efficace pour être attrayant. Il est fondamental de réinventer les pratiques militantes dans cette perspective. D’autant que, si on veut que les élus, une fois au pouvoir ne nous déçoivent pas, il va falloir les tenir à la culotte. C’est ce qu’a fait le front syndical après la victoire du Front Populaire en 1936. En se mobilisant massivement, ils ont obtenu en quelques semaines les congés payés, avancée sociale majeure… que Léon Blum ne défendait pas à l’origine !
Pour en revenir au vote, la préfacière du livre, Anne Hessel souligne le paradoxe que ce soit un acte fondamentalement solitaire, dans l’isoloir [néanmoins tout à fait souhaitable], alors que c’est un acte qui est là pour faire société. C’est par ailleurs un acte infime, négligeable, quand on le dilue dans plusieurs millions d’autres voix. Militer en revanche permet de créer du lien, de se nourrir de la discussion avec d’autres et de démultiplier son pouvoir électoral en rassemblant des sympathisants, on convaincant des indécis. Le militantisme n’est donc pas tant un nouveau devoir qu’un nouveau pouvoir.
Pour en revenir au vote, la préfacière du livre, Anne Hessel souligne le paradoxe que ce soit un acte fondamentalement solitaire, dans l’isoloir [néanmoins tout à fait souhaitable], alors que c’est un acte qui est là pour faire société. C’est par ailleurs un acte infime, négligeable, quand on le dilue dans plusieurs millions d’autres voix. Militer en revanche permet de créer du lien, de se nourrir de la discussion avec d’autres et de démultiplier son pouvoir électoral en rassemblant des sympathisants, on convaincant des indécis. Le militantisme n’est donc pas tant un nouveau devoir qu’un nouveau pouvoir.
Rencontres physiques, appels téléphoniques, actions sur les réseaux sociaux, comment faut-il militer en 2021 ?
Pour militer, on a trois leviers : la force de mobilisation, la présence sur les réseaux sociaux et l’argent. Pour ce qui est de la force de mobilisation, quel que soit le moyen utilisé (SMS, appel téléphonique, conversation en face à face la conversation individuelle est la manière la plus efficace, humaine, et amusante de militer. C’est ce que j’ai observé aux États-Unis et qui se vérifie dès qu’on l’applique en France. La conversation individuelle permet de se mettre véritablement à l’écoute de la personne avec qui on discute, quand c’est tout un groupe c’est plus compliqué. Elle offre la possibilité de se sortir des postures, dans un groupe le risque est de chercher à avoir raison sur l’autre, et surtout de ne pas être pris en défaut. Et enfin, le dialogue à deux permet de lutter contre la résignation en recréant un lien de confiance. Ça, c’est pour faire passer à l’action.
Après, reste qu’on ne peut pas négliger la présence sur les réseaux sociaux, pour plusieurs aspects. Elle permet de nourrir l’enthousiasme militant en rendant visible ce qui se passe sur le terrain. Elle permet de toucher de nouveaux publics et créer le buzz, même si avec les changements d’algorithmes opérés ces dernières années, atteindre la viralité est bien plus compliqué aujourd’hui pour les contenus politiques. Enfin, un réseau comme twitter permet, même en tant que simple militant, d’interpeller avec bienveillance les journalistes, soit pour saluer la qualité de leur travail soit pour relever quand ils produisent des informations tronquées ou incorrectes sur notre sujet. Je suis convaincu que l’immense majorité des journalistes sont des gens bons qui sont pour beaucoup dans une précarisation de leur métier et des contraintes de temps qui ne leur permettent pas de faire leur travail avec qualité. A nous donc d’être vigilants et de les interpeller en apportant les éléments factuels qui nous semblent manquer, plutôt que de juste pester.
Enfin, l’argent reste le nerf de la guerre. Si vous voulez que votre candidat ou votre mouvement ait moyen de mener une campagne à la hauteur de l’enjeu alors je vous encourage à lui faire un don mensuel, même de quelques euros. Si tout le monde le fait, ça change la donne. C’est ce qu’a démontré Bernie Sanders en 2016 en levant autant d’argent qu’Hillary Clinton, juste via des petits donateurs alors qu’elle se finançait auprès des milieux d’affaires.
Après, reste qu’on ne peut pas négliger la présence sur les réseaux sociaux, pour plusieurs aspects. Elle permet de nourrir l’enthousiasme militant en rendant visible ce qui se passe sur le terrain. Elle permet de toucher de nouveaux publics et créer le buzz, même si avec les changements d’algorithmes opérés ces dernières années, atteindre la viralité est bien plus compliqué aujourd’hui pour les contenus politiques. Enfin, un réseau comme twitter permet, même en tant que simple militant, d’interpeller avec bienveillance les journalistes, soit pour saluer la qualité de leur travail soit pour relever quand ils produisent des informations tronquées ou incorrectes sur notre sujet. Je suis convaincu que l’immense majorité des journalistes sont des gens bons qui sont pour beaucoup dans une précarisation de leur métier et des contraintes de temps qui ne leur permettent pas de faire leur travail avec qualité. A nous donc d’être vigilants et de les interpeller en apportant les éléments factuels qui nous semblent manquer, plutôt que de juste pester.
Enfin, l’argent reste le nerf de la guerre. Si vous voulez que votre candidat ou votre mouvement ait moyen de mener une campagne à la hauteur de l’enjeu alors je vous encourage à lui faire un don mensuel, même de quelques euros. Si tout le monde le fait, ça change la donne. C’est ce qu’a démontré Bernie Sanders en 2016 en levant autant d’argent qu’Hillary Clinton, juste via des petits donateurs alors qu’elle se finançait auprès des milieux d’affaires.
Il est impossible de pouvoir convaincre tout le monde. Mais alors, comment devons-nous choisir nos batailles et accepter que certaines sont vaines ?
Tout le monde, d’un coup, c’est impossible. Suffisamment de monde pour atteindre le nombre de voix nécessaires dans plusieurs mois, c’est atteignable. Pour cela il faut prioriser et ne jamais croire que l’on va faire « changer quelqu’un d’avis ». Au mieux, on peut lors d’une conversation planter une graine qui va germer et l’autre va progressivement cheminer vers nous, par lui-même.
L’agrégation de sympathisants dans une campagne se passe un peu comme une récolte de pomme. Pour ne pas se fatiguer et maximiser son impact, on commence par les fruits les plus murs à portée de main, les personnes qui sont déjà convaincues et qui n’ont besoin que d’une rapide conversation pour passer à l’action. Puis progressivement, comme nous sommes plus nombreux, nous pouvons aller parler aux indécis, qui sont plus difficiles d’accès, moins convaincus, plus compliqués à « récolter ». Enfin, une fois que nous avons suffisamment de fruits murs dans notre panier la dynamique fait son effet. Le nombre attire le nombre, et plein de gens vont faire leur choix à la fin sur cette base. En fait, c’est comme dans un panier de pommes, quand on en met une peu mure entourée de pommes bien mures, elle murit plus vite !
Clément Pairot est l'auteur de N'allez plus seulement voter
L’agrégation de sympathisants dans une campagne se passe un peu comme une récolte de pomme. Pour ne pas se fatiguer et maximiser son impact, on commence par les fruits les plus murs à portée de main, les personnes qui sont déjà convaincues et qui n’ont besoin que d’une rapide conversation pour passer à l’action. Puis progressivement, comme nous sommes plus nombreux, nous pouvons aller parler aux indécis, qui sont plus difficiles d’accès, moins convaincus, plus compliqués à « récolter ». Enfin, une fois que nous avons suffisamment de fruits murs dans notre panier la dynamique fait son effet. Le nombre attire le nombre, et plein de gens vont faire leur choix à la fin sur cette base. En fait, c’est comme dans un panier de pommes, quand on en met une peu mure entourée de pommes bien mures, elle murit plus vite !
Clément Pairot est l'auteur de N'allez plus seulement voter